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  • Un parfum de réduction ? Sur la trahison des titres et les odeurs tenaces de l’exotisme facile

    files.jpegIl y a des livres qui dérangent. D’autres qui déroutent. Et puis il y a ceux que l’on réduit avant même qu’ils n’aient pu dire un mot. Un parfum de corruption, signé Liu Zhenyun et publié chez Gallimard, appartient à cette dernière catégorie. Dérangeant, déroutant, mais surtout… réduit.

    Réduit d’abord par son titre français. Car non, ce roman ne s’intitulait pas ainsi dans sa version originale. 《吃瓜时代的儿女们》 (Chi gua shidai de ernümen), littéralement « Les enfants de l’ère des mangeurs de melon », est un clin d'œil grinçant à la société du spectacle et du voyeurisme généralisé qui règne sur les réseaux sociaux chinois (et pas que). Le « mangeur de melon », c’est l’internaute passif, celui qui commente sans agir, celui qui se gave de drames humains comme on dévore une série Netflix, tout en se persuadant de rester hors du champ.

    Mais voilà. En France, ce titre-là, on a préféré l’oublier. Trop subtil ? Trop opaque ? Trop peu vendeur ? À la place, on nous sert Un parfum de corruption — comme si l’étiquette “Chine + corruption” suffisait à éveiller l’intérêt d’un lectorat formaté par vingt ans de discours médiatique anxiogène.

    Car c’est bien là le nœud du problème : ce changement de titre n’est pas innocent. Il perpétue un imaginaire où la Chine reste “l’autre” opaque, suspecte, gangrenée par le pouvoir, et où l’on se donne le droit de lire ses récits comme autant de fables politiques. Sauf que le roman de Liu Zhenyun n’est pas cela. Ou plutôt, pas seulement cela.

    Une jeune femme, un frère trahi, et le monde en toile de fond

    Dans ce roman, on suit Niu Xiaoli, jeune femme issue d’un village du Henan, dont le frère est trahi par sa fiancée — partie avec la dot. Mais loin de l’histoire familiale anecdote, Liu Zhenyun tisse une comédie humaine féroce, où les grands mots de la critique sociale s’évanouissent peu à peu pour laisser place aux petites douleurs de l’existence : les quêtes de reconnaissance, les malentendus, les jalousies ordinaires, les désirs inavouables, les compromis.

    La corruption, ici, n’est pas celle des gouvernants — du moins pas de manière frontale. Elle est celle des âmes, des relations, des pactes tacites, de ces micro-pouvoirs qu’on s’échange au quotidien. Et surtout, Liu Zhenyun ne juge jamais. Il observe. Il campe des personnages grotesques et pathétiques, souvent à leur insu. Il nous fait rire, parfois jaune, toujours en finesse.

    Quand l’humain disparaît derrière le prisme idéologique

    En titrant ainsi l’œuvre, l’éditeur français a donc fait un choix. Celui de l’unidimensionnalité politique, au détriment de la complexité. Il a préféré la grille de lecture occidentale dominante — celle d’une Chine suspecte et autoritaire — à celle, bien plus subtile, que propose Liu Zhenyun : une plongée dans l’absurde du quotidien, où la frontière entre ridicule et tragique se brouille en permanence.

    Ce choix n’est pas anodin. Il participe d’un système qui rend l’altérité illisible. Car à force de voir la Chine uniquement sous l’angle de la critique politique, on oublie qu’il s’y joue aussi des drames universels, des histoires de famille, des histoires d’amour, des rêves brisés, des parcours cabossés.

    Et si on arrêtait d’être des mangeurs de melon ?

    L’ironie de l’affaire, c’est que nous devenons, en tant que lecteurs occidentaux, exactement ce que critique le roman : des “mangeurs de melon”, ces spectateurs passifs qui consomment le malheur des autres, leur étrangeté, leur opacité, comme on se gave d’images exotiques et de titres racoleurs. Et en cela, le titre français est peut-être plus révélateur qu’il ne le voulait.

    Liu Zhenyun, lui, ne donne pas de leçons. Il tend un miroir. Mais encore faut-il vouloir y regarder autre chose que les fantasmes que l’on projette sur l’autre.

    À lire, donc. Mais à lire contre le titre.
    À lire pour ce qu’il dit de l’humain, non de la Chine.
    À lire pour s’extraire un instant de l’ère des mangeurs de melon.

    Liu Zhenyun, parfum de corruption, livre, Gallimard, éditions, chine

  • Texte n°2

    Les siècles passent et voient la chute de l’ancien régime, sous les coups de boutoirs de la philosophie des lumières de la révolution française et des guerres napoléoniennes exportatrices des nouvelles valeurs, et volens nolens la révolution américaine qui établira la plus grande démocratie mondiale. 

    La défaite nazie consolidera ce mouvement et ouvrira la voie à la déclaration universelle des droits de l’homme  (du 10 décembre 1948). Tout paraît aller pour le mieux quand une grave crise survient en France opposant l’exécutif aux « Gilets jaunes ». La situation frôle l’insurrection quand une idée émerge de la confrontation. Celle d’un grand Débat National. Une idée dont il faut bien voir qu’elle est d’essence dialectique. Contrairement aux apparences on ne la doit pas au président Emmanuel Macron mais à la confrontation proprement dite. Les « Gilets jaunes » et l’exécutif confondus, seront à l’origine de cette nouvelle proposition. 

    Le Monde daté du 30 janvier, Françoise Fressoz titre son article « Gilets jaunes », grand débat... Les Français sont-ils encore capables de faire société ?" Elle y pose la question suivante 

    "Dans un contexte de montée du populisme, le grand débat va-t-il réussir à apporter des réponses institutionnelles à la crise de confiance révélée par les « gilets jaunes » ?"

    Cette idée pourrait être une « Grand Idée » à même de remettre en perspective le fonctionnement démocratique traditionnel : par voie représentative après des élections - de fait, les députés constitués en une sorte de caste fermée, n’ont rien vu venir (à quelques exceptions près), ce qui est un comble ; un pouvoir exécutif aux antipodes du peuple qu’il devrait servir, et enfin un pouvoir judiciaire écartelé par les tensions. Un pouvoir judiciaire qui pourtant contient dans ses institutions un modèle de démocratie participative : la cour d’assises. Rappelons-nous en effet du tribunal populaire (les jurés tirés au sort qui au final prononceront le verdict). Tirés au sort, donc non qualifiés, n’ayant pas suivi d’études de jurés, venus directement du peuple. Naïfs et sans expérience, ils auront pourtant une charge très lourde, décider du sort d’un congénère accusé d’un crime grave. 

    Julien Friedler