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les infiltrés - Page 3

  • Yoga : un art de vivre ou une politique du contrôle ?

    Yoga, politique, contrôle, Najat Zahid-Méaulle, pratique, réflexion(À propos de Yoga Inspiré : Une vision scientifique, de Najat Zahid-Méaulle)

    Sur Les Infiltrés, on aime gratter sous la surface des choses lisses et bien emballées. Et le yoga, cette pratique millénaire devenue symbole de bien-être globalisé, mérite d’être regardé autrement qu’avec des lunettes roses. À la croisée des philosophies anciennes et des stratégies contemporaines de pouvoir, il est bien plus qu’un simple exercice pour assouplir le corps. La lecture de Yoga Inspiré : Une vision scientifique de Najat Zahid-Méaulle nous a offert un angle inattendu pour explorer ces questions.

    Quand le yoga devient une arme douce

    Le yoga est une exportation culturelle indienne, mais il ne s’est pas toujours diffusé par le simple attrait de ses bienfaits. Dans son propre pays, cette pratique a été institutionnalisée, normalisée, et instrumentalisée, particulièrement depuis l’arrivée au pouvoir du Bharatiya Janata Party (BJP) de Narendra Modi. Sous l’égide de ce parti, le yoga n’est pas seulement un art de vivre ; il devient un outil géopolitique et identitaire.

    L’instauration de la Journée Internationale du Yoga par l’ONU, impulsée par l’Inde en 2014, n’est pas qu’une célébration mondiale de la paix intérieure. C’est aussi une manière pour le pouvoir indien d’associer le yoga à l’image d’un État indien fort et unifié. Cette appropriation nationale d’une pratique autrefois marginale dans les villages et les ashrams soulève des questions : le yoga est-il toujours cet espace de libération individuelle, ou devient-il une plateforme pour des ambitions politiques ?

    Ce que dit Yoga Inspiré

    Dans son ouvrage, Najat Zahid-Méaulle s’éloigne de ces problématiques pour offrir une exploration scientifique et philosophique du yoga. Elle ne parle pas de pouvoir, mais de physiologie, d’équilibre, et de bien-être. Cependant, en creux, son approche éclaire ce que l’institutionnalisation du yoga pourrait négliger : le respect de la diversité des corps et des esprits. Le yoga, dans sa forme traditionnelle, n’a jamais été un « one-size-fits-all », mais bien une quête individuelle d’harmonie.

    Pour Zahid-Méaulle, le yoga n’est pas une marque déposée ni un outil d’hégémonie culturelle. C’est un dialogue entre science et sagesse, une manière de se reconnecter à soi-même à travers des techniques ancrées dans la connaissance du corps et de l’esprit. En cela, elle rappelle une dimension essentielle : le yoga est un outil de réflexion, pas une injonction à la conformité.

    Le yoga dans la fabrique d’un soft power

    Mais peut-on séparer la pratique personnelle du yoga de ses implications politiques globales ? Les dérives sont nombreuses : uniformisation des styles, exclusion de certains corps jugés « incompatibles », et mise en avant d’un modèle physique standardisé. La popularité du yoga en Occident repose souvent sur une version édulcorée, privant cette discipline de sa richesse originelle pour la transformer en produit consommable.

    Le gouvernement indien, lui, a bien compris le potentiel du yoga comme levier de soft power. En le promouvant sur la scène internationale, il réaffirme son rôle de gardien d’une tradition qu’il revendique comme exclusivement indienne. Pourtant, le yoga tel qu’il est pratiqué dans le monde aujourd’hui s’est nourri de multiples influences, de l’Occident aux reformulations modernes des maîtres du XXe siècle. Ce récit d’un yoga pur et indien n’est-il pas une simplification utile, mais trompeuse ?

    L’art de la critique subtile

    En lisant Yoga Inspiré, on pourrait reprocher à Najat Zahid-Méaulle de ne pas interroger ces dimensions politiques. Mais c’est aussi la force de son ouvrage : il invite à un recentrage. À une époque où le yoga est tour à tour brandi comme un outil de soft power, une industrie lucrative ou une discipline de contrôle social, son livre nous rappelle que cette pratique peut rester un espace intime, une résistance douce au brouhaha du monde.

    Pour les lecteurs des Infiltrés, cette réflexion pose une question clé : à qui profite le yoga ? S’il peut être un outil d’émancipation personnelle, il peut aussi, entre des mains peu scrupuleuses, devenir un outil d’aliénation ou de contrôle. La vigilance s’impose. Et la prochaine fois que vous étendrez votre tapis, demandez-vous : pour qui et pourquoi pratiquez-vous vraiment ?

  • Le Cri de la Perse : un chant de révolte et d'exil

    Tahoura Tabatabaï-Vergnet, cri, exil, Perse, Iran, femmes, vie liberté, art, Sur le blog Les Infiltrés, nous nous engageons à décrypter les œuvres littéraires qui, par leur profondeur et leur engagement, interrogent les enjeux politiques et sociétaux. Le Cri de la Perse, recueil poétique de Tahoura Tabatabaï-Vergnet, publié par La Route de la Soie - Éditions, s'inscrit dans cette lignée en offrant une plongée bouleversante dans l'âme d'une nation en souffrance.

    Dès les premières lignes, l'autrice nous invite à ressentir, non seulement à lire. Sa poésie, empreinte de nostalgie et de colère, devient un outil de résistance face à l'oppression. À travers des images d'une richesse éclatante, elle raconte la Perse, aujourd'hui l'Iran, berceau d'une civilisation florissante, désormais pris dans les griffes de régimes autoritaires.

    Un cri universel depuis la valise de l’exil

    Au cœur du recueil se trouve le thème de l’exil. Dans La valise de l’exil, Tabatabaï-Vergnet questionne les choix impossibles qu’impose le départ forcé. Que peut-on emporter quand on laisse derrière soi des souvenirs, une langue, une identité ? Ce vide que tente de combler l’exilé devient un espace de poésie. La plume devient refuge, outil de mémoire et d’affirmation.

    L’autrice ne s’arrête pas au témoignage personnel. Elle lie son histoire à celle des femmes iraniennes, devenues des symboles de courage et de lutte. Dans La Lionne de Perse, elle célèbre ces héroïnes qui, cheveux au vent, défient les oppresseurs. Une Marianne persane se dresse dans ces vers, écho direct à la révolution des femmes en Iran, leurs chants et leurs actes bravaches illuminant un futur possible.

    La force politique du poème

    La poésie de Tahoura Tabatabaï-Vergnet est profondément politique. En cela, elle rejoint la tradition des poètes résistants, ceux qui utilisent les mots comme des armes. Dans Chers amis de la Perse, l’autrice interpelle la France et le monde, exigeant un réveil face à la répression en Iran. Le parallèle entre la Marianne française et les femmes perses donne aux luttes locales une dimension universelle.

    Ce cri transcende les frontières : il rappelle que l’injustice dans un pays rejaillit sur tous. Il questionne le silence complice des nations face aux violences subies par les opprimés, tout en offrant une main tendue pour reconstruire.

    Une poésie comme arme

    Si Le Cri de la Perse est une œuvre d’art, c’est aussi une œuvre d’impact. Il appelle à repenser notre rapport à l’autre, à l’exilé, et à la mémoire collective. Il place les femmes au centre des récits de résistance, non comme des figures secondaires, mais comme des actrices principales du changement.

    Ce recueil est une lecture nécessaire pour qui veut comprendre la puissance d’une poésie engagée. Tahoura Tabatabaï-Vergnet donne une voix à l’injustice et transforme les souffrances de l’exil en un appel universel pour la liberté.

    À lire pour ressentir, pour se questionner, et pour agir.

  • Démocritique

    Démocritique, gilets jaunes

    La démocratie comme soft-power de l’occident? Elle fut le levier des consciences populaires face aux pouvoirs dictatoriaux.

    Il fallait déjà changer le système et les démocraties enrichies pouvaient s’acheter la sympathie des peuples opprimés en même temps que leur vendre les moyens de se rebeller.

    Imposer des élections libres comme un modèle libératoire et en prime l’universaliser revenait à conquérir les nouveaux marchés en mettant à leur tête les intellectuels formés dans les meilleures universités du monde libre ou les enfants des bonnes familles déjà en place.

    En toute bonne foi ceux-ci entreprirent d’apaiser leur peuple en leur garantissant la liberté de choisir leurs dirigeants par des élections.

    Il fallait trouver des candidats: d’autres intellectuels formés aux mêmes sources affluaient, conseillés par de respectueux et éminents politiciens américains et européens, quand ce n’était pas surtout par des banquiers et autres pourvoyeurs de fonds pour la reconstruction.

    Les anciennes structures du pouvoir n’en demeuraient pas moins incontournables et il fallait composer avec elles: l’armée, les industries, le négoce, les princes locaux et les familles féodales...

    Une nouvelle démocratie est avant tout un nouveau marché ouvert et non régulé. Si le pays a des ressources naturelles, il devient vite l’objet d’un néocolonialisme visant à lui vendre des biens transformés au tarif élevé contre ses matières premières achetées à bas prix.

    Les exportations vers ces pays ont tôt fait de drainer leurs ressources tandis que le prix des matières exportées baisse inexorablement selon le critère essentiel de la croissance des profits.

    La démographie croissante ne sert pas à l’enrichissement du pays puisque l’extraction des ressources est confiée aux entreprises étrangères amies, l’armée locale servant à les protéger et réprimer les révoltes qui grondent.

    Au passage les élites démocratiques locales vieillissent, s’accrochent au pouvoir, deviennent plus cyniques et organisent à leur profit les élections libres suivantes.

    L’occident devient le souteneur de la nation anciennement colonisée, y ajoutant une prétendue noblesse de sentiments. Celle de lui donner la chance de sa protection plutôt que le risque de se retrouver sur le trottoir.

    Les démocraties occidentales sont au bout de leur enrichissement car les marchés sont saturés.

    Quelques nations résistent mais elles sont pointées du doigt et subissent les sanctions pour leur non- respect de la liberté du marché.

    Mais déjà, en occident même, les citoyens pressurés économiquement prennent la mesure de la stagnation puis du reflux de leur situation économique. Ils se vêtissent alors spontanément de la couleur cocue, celle qu’ils ressentent d’avoir été faite telle.

    Ils se révoltent et s’indignent mais ils resteront attachés à leurs privilèges émiétés lorsqu’ils verront se déliter dans les guerres civiles d’ailleurs la fin du rêve démocratique. Surtout lorsqu’ils comprendront que le marché, après avoir pillé le monde s’en prendra à ses propres enfants tel Saturne dévorant son enfant (Goya).

    Ils sont tout doucement préparés à accepter le sacrifice et, désabusés, acceptent pour leurs propres enfants la précarisation de l’emploi avec l’arrivée annoncée de la robotisation, l’inutilité de laisser son argent à la banque qu’il vaut mieux alors dépenser, l’extinction probable des pensions dans l’avenir.

    Dans les démocraties encore riches, où l’alternance des coalitions est vivace, où les autres niveaux de contrepouvoir gardent la liberté des « checks and balances », où les syndicats, la presse et l’opposition ont leur mot à dire et révéler les collusions, le népotisme et les commissions, on pourra espérer que le peuple bien informé aura le sentiment d’être représenté et de participer à la vie de la Cité.

    Mais s’il ne peut s’exprimer qu’une fois toutes les lunes, que les coalitions sont opaques et que son pouvoir d’achat se réduit, il ne faudra pas s’étonner de ses révoltes.

    Le nerf de cette guérilla est l’argent, son accaparement par les plus riches mettra le feu aux poudres et le modèle démocratique tombera en disgrâce.

    Le modèle suivant sera dictatorial éclairé et technocratique. Les algorithmes des bonnes pratiques s’allieront à la surveillance panoptique via le réseau de chaque individu dont les comportements déviant la courbe gaussienne sera aussitôt repéré et normalisé.

    Cette post-démocratie sera une néo-oligarchie assistée par IA où l’on pourra se passer d’opinions puisque les modèles prévisionnels seront optimisés pour le bien de tous.

    L’uniformisation des règles mondiales ne sera pas le produit du commerce et du libre-échange, qui garderont pourtant la couleur de la diversité comme alibi de tolérance et d’individualisation des besoins prescrits.

    Dans les pays appauvris, la démocratie sera pervertie et discréditée pour finalement être entièrement rejetée pour être remplacée par la techno-oligarchie des logiciels vendus par leurs concepteurs et mis en œuvre par la nouvelle intelligentsia qui aura appris à s’en servir chez leur producteur attitré.

    La mutation du monde passe par cette nouvelle phase et nous en mesurons aussi les avantages: plus d’incessantes guerres, plus de boucherie destructrice, mais les nouveaux conflits se feront dans le cyberespace, quasiment à l’insu du citoyen, pour redistribuer le pouvoir et les richesses au seul profit des nantis.

    De nouvelles hydres surgiront prétendant nous protéger, l’infantilisation de l’usager s’amplifiera, la distraction des foules augmentera, sa peur de manquer aussi stimulée par la paranoïa sécuritaire.

    En quoi modifier cette perspective? En unissant nos valeurs, en protégeant nos semblables contre la désillusion et la manipulation des sceptiques passifs et des cyniques actifs. L’Europe est une chance et une garantie de garder intactes ces valeurs d’humanisme et de partage.

    Pour qu’elle bénéficie au plus grand nombre il faut qu’elle fasse preuve de pédagogie et d’autocritique. Il faut qu’elle soit en mesure de transmettre ses idéaux à l’école, au citoyen et à ses propres fonctionnaires qui sont parfois les premiers, et c’est un comble, à en ignorer les enjeux.

    Si cette identification à la cause européenne, à son futur et à sa différence se conjugue, si la critique du système qui la fait dépérir est clairement et posément exprimée par ses dirigeants alors, non seulement les états qui la compose mais aussi chaque citoyen européen prendra la mesure de sa responsabilité de préserver et d’améliorer notre exception et notre histoire commune.

    L’Europe doit recréer une dynamique « bottom-up » où chacun se sentira concerné car l’Europe en tant qu’entité se manifestera à ses côtés pour le protéger, le motiver, améliorer son cadre de vie et lui donner le sentiment d’être un acteur à travers ses choix électoraux réellement démocratiques.

    Salim Kaiss